C'est un été en Normandie. Le narrateur est encore dans cet état de l'enfance où tout se vit intensément, où l'on ne sait pas très bien qui l'on est ni où commence son corps, où une invasion de fourmis équivaut à la déclaration d'une guerre qu'il faudra mener de toutes ses forces. Un jour, il rencontre un autre garçon sur la plage, Baptiste. Se noue entre eux une amitié d'autant plus forte qu'elle se fonde sur un déséquilibre : la famille de Baptiste est l'image d'un bonheur que le narrateur cherche partout, mais qui se refuse à lui.
Écrit dans une langue ciselée et très sensible, Un jour ce sera vide est un roman fait de silences et de scènes lumineuses qu'on quitte avec la mélancolie des fins de vacances. L'auteur y explore les méandres des sentiments et le poids des traumatismes de l'Histoire.
Twyla et Roberta avaient huit ans lorsqu'elles ont atterri dans la même chambre de l'orphelinat St. Bonaventure de Newburgh, au nord de New York. Quatre mois durant, elles sont restées inséparables - puis la vie les a éloignées. Des années plus tard, elles se recroisent trois fois de suite par hasard - dans un dîner, une épicerie, une manifestation.
Chacune, à l'occasion de ces retrouvailles inopinées, va se rendre compte à quel point elle est devenue étrangère à l'autre. Et pourtant, elles demeurent indéfectiblement liées par un événement terrible, remontant à leur enfance à l'orphelinat.
Twyla et Roberta ; l'une est noire ; l'autre est blanche ; mais laquelle ? Le lecteur ne le saura jamais - et c'est tout ce qui fait le vertige et la profondeur de cette histoire, que Toni Morrison a écrite « comme une expérience, dans l'idée d'eff acer toute trace de détermination raciale chez deux personnages pour qui la question de la race est déterminante ».
Un texte à la fois limpide et troublant, au coeur de problématiques qui agitent encore et toujours notre époque - la question raciale, l'identité, la violence, la diff érence, l'aliénation.
Nous sommes en France, à la fin des années 1990. Dans une ville de banlieue pavillonnaire, une adolescente regarde passer les trains qui filent vers la capitale. Elle a des projets plein la tête : partir, devenir hôtesse de l'air ou avocate et surtout, plus urgent, s'acheter des vêtements de marque. Mais comment faire quand on n'a pas assez d'argent de poche et que la vie dont on rêvait se révèle être un champ de cactus??
Pour le moment, sa famille vacille et ses repères sont chamboulés. En très peu de temps, sans renoncer à ses désirs, elle devra tout apprendre : comment classer ses pensées, tenir tête à ses copines, assumer des responsabilités trop grandes pour elle et vivre ses premières expériences sexuelles.
Si l'adolescence est une ligne de crête menant à l'âge adulte, l'attachante héroïne de Grande Couronne s'y tient en équilibriste, oscillant entre le trivial et le terrible. Mais elle a une arme : une vision au laser grâce à laquelle elle dresse un tableau de son époque et de ses émotions aussi drolatique qu'impitoyable.
De l'oeuvre de Tolkien, l'on connait surtout Le Hobbit et Le Seigneur des anneaux, des succès de librairie sans précédent qui ont contribué à redéfi nir le genre même de la fantasy.
Mais c'est ignorer que ces deux romans s'intègrent dans un univers bien plus large dont Tolkien a composé l'histoire, les langues, les légendes et les coutumes.
Le Silmarillion est le texte total auquel Tolkien a travaillé toute sa vie, et qui réunit la genèse et l'histoire des Premiers Âges de la Terre du Milieu, le décor de ses chefs-d'oeuvre. Il contient, outre le récit de la création du monde, l'épopée des Elfes et de leur lutte contre Morgoth, le premier Seigneur des Ténèbres, pour la possession des Silmarils, des joyaux aux très grands pouvoirs ; mais aussi l'histoire de l'île de Numenor et sa chute, une évocation des anneaux de pouvoir qui éclaire l'histoire du Seigneur des Anneaux - et bien d'autres récits et légendes...
Paru quatre ans après la mort de son auteur et édité par son fi ls, Christopher Tolkien, Le Silmarillion constitue le coeur de l'oeuvre de J.R.R. Tolkien. La nouvelle traduction virtuose de Daniel Lauzon permettra à de nouveaux lecteurs de découvrir Le Silmarillion dans toute sa force dans une édition illustrée d'une cinquantaine d'illustrations de Ted Nasmith.
Au terme d'un repas, un banquier démontre à son convive que ses convictions et ses actions en matière d'anarchisme n'ont rien à envier à celles des poseurs de bombe. Il déploie ainsi les trésors d'une rhétorique insidieuse au service de sa personne et s'installe dans de provocants paradoxes. Si ce banquier anarchiste nous enchante par son esprit retors, ses raisonnements par l'absurde et une mauvaise foi réjouissante, la véritable dimension du livre, cependant, n'est pas là : il s'agit en fait d'un pamphlet incendiaire contre la société bourgeoise, ses hypocrisies et ses mensonges. C'est aussi une dénonciation du pouvoir de l'argent, qui mine de l'intérieur le bien le plus précieux de l'homme : la liberté.
Le Banquier anarchiste est l'unique oeuvre de fiction publiée du vivant de Pessoa et signée de son vrai nom. Un texte explosif, un véritable brûlot.
Il existe à New York une rue au nom évocateur : Division Avenue. Elle se situe dans une partie spécifique de Brooklyn, le quartier juif orthodoxe. C'est là que vit Surie Eckstein, qui peut s'enorgueillir d'avoir vécu une vie bien remplie : mère de dix enfants, elle passe des jours tranquilles avec sa famille. Alors qu'elle pensait être ménopausée, Surie découvre qu'elle est enceinte. C'est un choc. Une grossesse à son âge, et c'est l'ordre du monde qui semble être bouleversé. Surie décide de taire la nouvelle, quitte à mentir à sa famille et à sa communauté. Ce faisant, Surie doit affronter le souvenir de son fils Lipa, lequel avait - lui aussi - gardé le silence sur une part de sa vie. Un secret peut avoir de multiples répercussions ; il permettra peut-être à Surie de se réconcilier avec certains pans de son passé.
Avec Division Avenue, Goldie Goldbloom trace le portrait empathique, tendre et saisissant d'une femme à un moment charnière de son existence. Et nous livre un roman teinté d'humour où l'émancipation se fait discrète mais pas moins puissante.
Un beau jour du seizième mois de l'automne, Siméon arrive dans une vallée perdue où se succèdent inlassablement deux saisons, une de pluie et une de gel bleu, et où seules les lentilles parviennent à germer. En pleine saison pourrie, cet étranger qui se déclare écrivain cherche dès lors à prendre place dans la communauté hors du temps qui y vit, vaille que vaille. étranger au milieu de ces habitants taciturnes, Siméon devra s'affronter à une hostilité grandissante. Il est le paria, l'autre absolu.
Parviendra-t-il à écrire le livre dont il a le projet ?
Depuis près de quarante ans, Les Saisons conquit un réseau souterrain de lecteurs enthousiastes, souvent prosélytes, qui n'hésitent pas à faire circuler ce livre. Une confrérie d'initiés qui partage un même univers ; ils se connaissent et se reconnaissent entre eux, un peu comme les lecteurs de Malcolm Lowry ou de Julio Cortázar. Voici pour la première fois ce « livre culte » en poche chez Christian Bourgois. Maurice Pons s'y saisit de toute la crasse humaine pour la transformer en or.
« Quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change. »
Nous pensons tous connaître les grandes lignes de la geste de Jeanne d'Arc. Nous ignorons bien souvent qu'au début cellesci étaient au nombre de quinze petites Jehanne, rassemblées en secret sur ordre de la grande Yolande d'Aragon afin d'être formées, dans le but de révéler une prophétesse : au programme, entraînement à la décollation de Bourguignons, techniques pour éviter le bûcher, méthode Guillemette Latubée et cours sur les Vies parallèles des Femmes Illustres.
Car à l'aube du XVe siècle, l'Histoire du Royaume de France n'a plus aucun sens : Armagnacs, Bourguignons et Englishes se disputent le trône, chaque camp se considérant légitime. Celle qui se montrera la guérillère la plus forte et la plus vaillante devra libérer Orléans et sacrer Roi le Dauphin (du moins, voici le prétexte de cette quête exceptionnelle). C'est Jehanne la Douzième qui s'impose nettement. Or son profil n'a rien à voir avec ce que Yolande d'Aragon imaginait...
Porté par une langue vive aussi tranchante que le fil d'une épée, ce roman fougueux, original et drôle interroge la manière dont sont construits les grands récits et personnages historiques. Avec une grande inventivité, l'auteur mêle les registres de langues et les genres littéraires pour révéler la véritable épopée de grandes guérillères.
C'est par un bruit que tout commence. Un grondement sourd venant de loin qui annonce la catastrophe imminente : le rombo. Esther Kinsky donne à entendre ce grondement - mais surtout les voix de sept habitants d'un village isolé du Frioul - pour nous raconter le tremblement de terre du 6 mai 1976 qui a dévasté le nord-est de l'Italie. Des maisons détruites, un paysage profondément remodelé - et des femmes et hommes qui ne se reconnaissent plus dans ce qui était leur environnement naturel.
Dans une prose virtuose, Rombo est le récit poignant d'un séisme, mais aussi une réflexion sur la place de l'homme dans la nature, au plus près de son sujet.
Dans ce « journal météorologique de l'esprit », Annie Dillard se fait la chroniqueuse d'une « vallée des merveilles » de l'État américain de Virginie où coule la rivière Tinker et se livre à une exploration quotidienne et solitaire de son environnement.
Elle décrit ainsi certains traits de la vie des mantes religieuses ou de celle des papillons Monarque, mais aussi celle des requins, des serpents venimeux, des parasites, leurs prouesses, beautés et déchéances, la violence et la cruauté mortelle de cet univers de prédateurs qui s'entre-dévorent.
Recluse volontaire parmi ces créatures, Annie Dillard est surtout une extraordinaire écrivaine qui lit la nature et tente de déchiffrer ses signes. Dans cette quête, elle cite Van Gogh, le Coran et Thoreau bien sûr, mais aussi entomologistes, astronomes, écrivains et chercheurs, trahissant ainsi avec beaucoup d'humilité une culture et une curiosité immenses qui font de cette double exploration de la vallée Tinker et de l'esprit humain un livre unique.
Récit d'un écrivain solitaire, ce texte est une splendeur d'écriture poétique, d'observation de la nature, et de réflexion quasi pascalienne sur la place de l'être humain entre l'infiniment grand et l'infiniment petit.
Karim, dix-sept ans, un adolescent rêveur, cherche désespérément à échapper à la banlieue sud de Londres et à goûter aux fruits défendus que les années 1970 semblent offrir.
Entre son père d'origine indienne qui se découvre une passion pour la philosophie chinoise et se transforme en un gourou New Age initiant ses voisins aux secrets de la méditation, et sa mère british qui essaie de l'empêcher de sortir, il ne cesse de tenter de nouvelles expériences. Lorsque l'opportunité improbable d'une vie dans le show business se présente, Karim commence à gagner le genre d'attention qu'il espérait.
Avec la publication de ce roman d'éducation déjanté, à la sauce punk rock en plein coeur de l'Angleterre métissée, Hanif Kureishi s'est imposé dans le paysage littéraire comme une nouvelle voix singulière et un écrivain irrévérencieux qui brise les tabous.
Tout débute un beau jour quand le narrateur trouve une chose par terre, dans la rue. Une chose ? Quelque chose, de forme ovale, à la fois mou et dur, qu'il ne parvient pas à identifier mais qu'il prend dans le creux de sa main.
Commence alors pour lui une étonnante divagation où, guidé par sa recherche, il connaîtra mille et une aventures : lors de son voyage, il rencontrera des universitaires spécialistes de littérature israélienne, une troupe de cirque d'un genre un peu particulier, un groupe de Juifs à la poursuite de leur utopie, et non pas une, mais deux femmes prénommées Shloma.
De rencontres inopinées en hasards improbables, l'équipée de notre héros se relance à chaque fois. Car bien sûr tous ces personnages hauts encouleur ont un point commun : ils ont chacun un avis sur la question.
Au cours des vingt-cinq chapitres que compte le roman - correspondant aux 25 années de prison encourues par les criminels -, cinq narrateurs prennent tour à tour la parole :
Un avocat et son frère, un herboriste, deux collecteurs de créances. Ces cinq hommes sont liés par un pacte criminel :
Tous ont pris part au kidnapping et à l'assassinat d'un chef d'entreprise fortuné, dont ils ont dissous le corps dans de l'acide sulfurique, espérant que leur forfait reste impuni (« pas de corps, pas de crime »). Quand ils prennent la parole, chacun des protagonistes évoque le déroulement des faits, mais multiplie également les digressions sur ses états d'âme, les mille et une misères de l'existence, sa famille, ses souvenirs d'enfance, ses obsessions...
António Lobo Antunes nous fait pénétrer dans la maison, l'enfance, le corps, la routine des autres, à travers sa langue éminemment personnelle, puissamment brassée, qui fait résonner les voix entremêlées des vivants et des morts. En nous ouvrant les portes des esprits de ces cinq personnages criminels, António Lobo Antunes nous dépeint une comédie humaine allant du plus sensible au plus grotesque.
Peut-être la plus originale et la plus novatrice des romancières anglaises contemporaines, Angela Carter bénéficie aujourd'hui d'une importante reconnaissance. Dans les trois jours qui suivirent sa disparition, ses ouvrages furent épuisés et elle devint, sur les campus anglais, l'auteur contemporain le plus lu et étudié, devenant plus populaire que Virginia Woolf. La veine inventive d'Angela Carter, sa fascination pour les travers de l'être humain, sa possible perversité et son analyse de la figure féminine se retrouvent dans Love.
Publié pour la première fois en 1997 et inspiré du roman sentimental Adolphe de Benjamin Constant, Love raconte une oppressante histoire d'amour à trois entre Annabel, étudiante aux Beaux-arts issue de la bourgeoisie, Lee Collins, d'origine plus modeste et orphelin d'une mère folle et Buzz, son demi-frère déséquilibré, vivant ensemble dans la province anglaise au milieu du désordre et de la saleté d'un petit appartement. Dans cette relation, les émotions les plus subtiles côtoient les pulsions sexuelles les plus primaires et les névroses sentimentales les plus cruelles.
Illuminé par la présence d'une héroïne aussi fragile que radieuse, ce livre vibrant représente la quintessence du talent d'Angela Carter, qui s'affirme d'emblée par une écriture énergique à la fois rude et cultivée. Mêlant violence et délicatesse, l'auteur britannique chamboule le familier pour créer un monde nouveau et étrange.
États-Unis, années 1930. Tom, un homme à la dérive, raconte sans détour sa vie dans la rue, la brutalité et l'inhumanité de la Grande Dépression. Cet individu issu de la classe moyenne, éduqué, perd tout du jour au lendemain. Le quotidien se partage entre courses mortelles pour prendre un train en marche, rencontres avec les marginaux et le désespoir de ceux qui cherchent un endroit où dormir et de quoi manger pour survivre. Tout ce qui compte, c'est le présent. Et celui de Tom est pavé de famine, de pannes, de galères, de relations éphémères et des images emblématiques de l'Amérique de l'époque.
Ce texte fait l'effet d'un coup de poing : c'est que le réalisme le plus dur et le plus cru y est halluciné jusqu'à transformer les événements en vaste cauchemar. D'une langue brutale et authentique, le récit de Tom Kromer est largement autobiographique.
Les Gordon ont quitté New York pour Topeka, au Kansas, où ils travaillent dans une prestigieuse clinique psychiatrique.
Jane, une autrice féministe célèbre, est tantôt acclamée tantôt décriée ; Jonathan, lui, s'occupe principalement d'adolescents en difficulté. Leur fils, Adam, est un enfant sans histoires, devenu au lycée champion de débat, cet art de l'éloquence érigé en discipline nationale éminemment compétitive. Il rêve de devenir poète, porté par l'éducation progressiste de ses parents, mais il est aussi un garçon de son époque, populaire et athlétique, qui surjoue la virilité pour se faire accepter par la meute parfois sans pitié des lycéens.
Naviguant habilement entre les perspectives et les époques, se nourrissant de son propre parcours, Ben Lerner raconte les échecs et les succès de la famille Gordon, le spectre des abus sexuels, les trahisons entre époux, le défi d'élever un enfant dans un environnement toxique... Avec, en contrepoint, l'itinéraire du jeune Darren qui, à force d'exclusion et de brimades, prendra le chemin de la violence.
Histoire de famille et d'adolescence, histoire sociale et politique, L'École de Topeka est aussi une archéologie de notre présent : l'effondrement de la parole publique, ensevelie sous le déluge de mots des réseaux sociaux, et l'essor du discours de « l'homme blanc en colère », animé par un désir de vengeance et de pouvoir, terreaux de la droite américaine et de l'Amérique de Bush à Trump.
C'est la fin de l'été dans une petite bourgade suisse. Une famille heureuse rentre de vacances en Espagne. Astrid, Thomas et leurs deux enfants s'apprêtent à reprendre le cours d'une existence paisible. Rien ne laisse présager le départ de Thomas dans la nuit.
Commence alors pour lui une longue errance dans les montagnes, vers une autre vie. Les heures, les jours passent.
La police est avertie et commence, malgré le peu d'éléments dont elle dispose, son enquête. Si les enfants ne paraissent pas prendre la mesure des événements, la disparition de Thomas plonge Astrid dans un profond désarroi qui prend la forme d'un déni, d'un espoir insensé. Elle attend que son mari rentre car, elle en est persuadée, il reviendra.
Fuyant les États-Unis et le racisme qui y règne, Simeon, un noir américain, arrive au début des années 1960 à Paris. Ici, les noirs se promènent sans craindre pour leur vie, et la diaspora américaine a pignon sur rue : dans les cafés, on refait le monde entre deux morceaux de jazz, on discute de politique en séduisant des femmes... Tout semble idyllique dans la plus belle ville du monde. Mais Simeon s'aperçoit bien vite que la France n'est pas le paradis qu'il cherchait. La guerre d'Algérie fait rage, et un peu partout, les Algériens sont arrêtés, battus, assassinés. En rencontrant Hossein, un militant algérien, Simeon comprend qu'on ne peut être heureux dans un monde cerné par le malheur : il ne peut pas rester passif face à l'injustice.
Écrit en 1963, Le Visage de pierre fut le seul livre de William Gardner Smith à n'avoir jamais été traduit en français, et l'on comprend pourquoi : pour la première fois, un roman décrivait un des événements les plus indignes de la guerre d'Algérie, le massacre du 17 octobre 1961. Dans cet ouvrage où l'honneur se trouve dans la lutte et dans la solidarité, William Gardner Smith explore les zones d'ombre de notre récit national.
Une voix surgit dans l'oreille droite de la narratrice pour lui donner des instructions, comme porter du noir et retrouver Pascal. Elle demande des précisions : Qui est ce Pascal ? Elle se voit répondre : vous recevrez la visite de Pascal et d'autres morts, ça ne va pas tarder. Docile, elle se dispose à accueillir des revenants. Cela tombe bien, elle pourra peut-être avoir le fin mot sur les questions qui la taraudent : Qu'est-ce qu'être mort ? De quelle manière peut-on connaître cet état en restant vivant ? Comment sait-on ce qu'on sait, d'où le sait-on ? Elle commence alors à écrire sur des choses qui lui sont inconnues dans la réalité mais qu'elle connaît quand même. Comme le Soldat inconnu. Cette figure insaisissable la côtoie depuis son enfance : une enseignante avait donné pour consigne de dessiner ce qui se dissimulait derrière un drap blanc, ce sont ses traits qu'elle avait ébauchés sur la feuille blanche, pour donner forme à l'inconnu.
Avec subtilité et malice, Gaëlle Obiégly nous convie à une conférence pour rendre tangible l'insaisissable. La transmission est au coeur de cette quête pleine de facéties et de vivacité amusée à l'image d'Yvette, une vieille dame haute en couleur. En multipliant avec légèreté et gravité des impressions disparates et instinctives, Gaëlle Obliégly porte sur la société et son prochain un regard d'une grande acuité.
Alors qu'elle est à peine âgée de trente ans, Euphrosinia Kersnovskaïa voit l'URSS imposer le joug soviétique à la Bessarabie, où sa famille s'est installée après la révolution. Victime de la collectivisation, Euphrosinia perd tout. Très vite, elle est envoyée sur un chantier d'abattage de bois en Sibérie. Elle s'évade, erre des mois seule dans la taïga, puis finit par être arrêtée et condamnée à des années de camp - pour finalement travailler dans des mines de charbon. Une fois libre, elle produit cette oeuvre inouïe : un récit où le témoignage écrit cohabite avec des dessins réalisés sur des cahiers d'écolier - en illustrant elle-même son histoire, elle restitue dans les moindres détails les scènes dont elle a été témoin et auxquelles elle a participé.
Sa destinée s'apparente à celle des plus grandes héroïnes de roman. On se demande avec stupéfaction comment autant d'épreuves et de malheurs peuvent tenir en une seule vie : Euphrosinia affronte les obstacles de sa vie d'un coeur pur et candide, faisant toujours passer les autres avant elle-même. Le dessin, qui aurait pu n'être pour elle qu'un simple passe-temps, devient entre ses mains la lance de Don Quichotte qui lui sert à pourfendre inlassablement le mal.
Écrit à l'insu des autorités, Envers et contre tout est le récit d'un destin hors du commun. Un témoignage fort et inspirant, l'odyssée d'une irréductible qui constitue une source de joie profonde, un antidote aux compromissions et à la peur, au mensonge et à l'oubli.
1917. William Moreland, ancien détrousseur de grands chemins, n'est plus que l'ombre de lui-même. Brisé par la mort de son grand amour, Mary Boulton - celle qu'on appelait autrefois « la Veuve » - et harassé par des années de cavale, il ressurgit à la frontière du Montana, prêt à tout sacrifier pour assurer l'avenir de son fils, Jack. Le jeune orphelin vit comme un animal en cage dans une lugubre demeure, sous la férule à la fois bienveillante et inflexible de Soeur Beatrice. Du haut de ses 12 ans, Jack n'a qu'un seul désir : tel son père, fuir à son tour, et trouver refuge dans la vieille cabane familiale tapie dans les bois. Au risque de déclencher une traque folle pour le retrouver.
Avec cette étonnante saga familiale, qui tient à la fois de la tragédie faulknérienne et de La Nuit du chasseur, Gil Adamson nous entraîne dans les paysages rudes et majestueux des Rocheuses, au coeur d'un grand Ouest américain bouleversé de fond en comble à l'aube du XXe siècle. Ce vaste roman aux accents westerns, porté par une prose flamboyante et par le souffle de l'aventure, met en scène des personnages inoubliables, animés par l'énergie du désespoir et de l'amour filial.
Dans les rues de Buenos Aires, un homme, chaque nuit, sort incognito de son palais somptueux et déambule sous le déguisement le plus humble, en fredonnant une mélodie qui berce les rêves de ses concitoyens. Cet étrange promeneur nocturne n'est autre que le Président de la République. Il erre dans le dédale des ruelles et de sa mémoire, à la recherche de l'homme qu'il fut jadis et dont les fastes du pouvoir l'ont irrémédiablement éloigné. Fasciné par une femme qui a toujours réussi à faire le bon choix là où d'autres se trompaient, il tente de percer le mystère de son guide intérieur pour en partager le secret avec les Argentins.
Sous la satire politique et le conte aux accents de légende urbaine, le nouveau roman de César Aira, sans jamais se départir de son humour coutumier, dévoile la part la plus crépusculaire d'un écrivain qui, de livre en livre, ne cesse d'interroger les fragilités de la condition humaine.
Kharkiv. Marioupol. Lougansk. Tchernihiv. Boutcha...
« Je prie mes lecteurs, tous ceux qui sont auprès de nous par la pensée en ce moment, de graver dans leur mémoire ces noms de villes ukrainiennes. Ces lieux nous appartiennent à nous tous. La responsabilité de leur sécurité incombe au monde entier. ».
Dès le début de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022, l'écrivaine et photographe Evgenia Belorusets a entrepris de tenir un journal, dans lequel elle raconte le quotidien des habitants de Kiev : le sifflement des bombes, le silence des rues dévastées, la sidération, l'effroi, l'incertitude. Mais la vie, aussi, qui continue vaille que vaille à travers les gestes les plus anodins - échanger quelques mots avec un voisin, s'asseoir un moment sur un banc dans un parc, attraper au vol le miracle d'un sourire, d'un rayon de soleil, d'une minute de répit.
Avec ce document exceptionnel, dans lequel dialoguent textes et photographies, Evgenia Belorusets fait acte de résistance à sa manière intime, tentant, par les seules armes de l'art et de la littérature, de nous faire prendre la mesure exacte, à hauteur d'humanité, du drame qui se joue aujourd'hui à nos portes.
Ils sont quatre amis à se retrouver rituellement depuis des années, chaque premier samedi du mois, dans un petit restaurant vietnamien de Paris. Tous ont en commun les souvenirs d'une ancienne vie passée sur le continent asiatique.
Ce soir-là, c'est Marco qui prend la parole - et il ne la lâchera plus. Sous le regard tour à tour intrigué, amusé ou inquiet de ses trois comparses, il plonge au coeur de ses ténèbres les plus intimes. Son récit va les ramener au temps du Vietnam des années 1970. Marco, alors tout jeune homme, revenu de l'utopie hippie et incertain de son avenir, inspiré par la figure de Malraux, avait décidé de partir jouer à l'aventurier au bout du monde, dans l'espoir de trouver un sens à son existence. Làbas, deux rencontres cruciales, aussi belles que terribles, vont le bouleverser à jamais.
Un roman d'initiation et d'amitié magnétique en hommage aux grands classiques de Joseph Conrad.