Il était une fois, dans un grand bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron.
Non non non non, rassurez-vous, ce n'est pas Le Petit Poucet ! Pas du tout. Moi-même, tout comme vous, je déteste cette histoire ridicule. Où et quand a-t-on vu des parents abandonner leurs enfants faute de pouvoir les nourrir ? Allons...
Dans ce grand bois donc, régnaient grande faim et grand froid. Surtout en hiver. En été une chaleur accablante s'abattait sur ce bois et chassait le grand froid. La faim, elle, par contre, était constante, surtout en ces temps où sévissait, autour de ce bois, la guerre mondiale.
La guerre mondiale, oui oui oui oui oui.
J.-Cl. G.
Collection « Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety La Fontaine Fables Les Fables occupent une place singulière dans notre mémoire : par le souvenir que nous gardons de ces poèmes devant lesquels nous sommes restés enfants, mais aussi par la grâce de tant de vers devenus proverbiaux et que notre parole quotidienne fait renaître. Et tout se passe comme si une correspondance secrète se maintenait de siècle en siècle entre ces Fables et l'identité de notre pays comme de notre langue.
Le premier recueil paraît en 1668, et le second dix ans plus tard. Le succès est immense et les poèmes, alors, appartiennent pleinement à leur temps : la France du règne de Louis XIV. Mais le mystère de leur pouvoir est de s'émanciper très vite de cet environnement immédiat, d'éclairer nos réalités successives, d'allier de manière toujours éclatante le particulier et l'universel. Dans cette «comédie à cent actes divers, / Et dont la scène est l'Univers», le texte se dérobe à toute signification définitive. Mais La Fontaine, à chaque page, nous convainc que la poésie, à ses yeux, demeure instrument de connaissance : il existe une beauté du savoir - et nous ne cessons pas de la retrouver en lui.
Edition de Jean-Charles Darmon et Sabine Gruffat.
Ce livre est le plus tardif de Gu Cheng, poète chinois des plus inventifs, extrêmes, surprenants et doués de la seconde moitié du xxe siècle. D'un genre difficile à définir, ce livre mêle la comptine, le conte philosophique taoïste, la gatha zen, le pamphlet et des dessins improvisés au stylo réalisés en 1990, le tout en un maelström poétique inédit en sa forme. Il est à noter que lorsqu'il était en proie à une forte émotion et à la colère, Gu Cheng n'écrivait pas mais se consacrait à d'autres arts, dont le dessin. Chaque vers, chaque texte est d'une concision extrême. Le rythme est celui, rapide, des textes anciens. Le ton en est enfantin, drôle, libre. Il s'agit d'amuser bien qu'ils témoignent des tragédies qui se jouent alors : son amour avec Xie Ye, la faim et la nourriture, la pauvreté, la lutte organique entre l'esprit et la matière...
« 'Viens ici, Frère Loup, dit-il. Au nom du Christ, je te défends de jamais plus faire de mal à personne.' À cet ordre, le loup, tête baissée, se prosterna à ses pieds, et de féroce qu'il était, devint doux comme un agneau. Le saint étendit la main et le loup y mit doucement, comme une caresse, sa patte droite de devant, seul geste qu'il fût capable de faire pour sceller son engagement. » Livre de dévotion, invitation à la tolérance, les Fioretti sont aussi de merveilleuses histoires poétiques.
Italo Calvino a fouillé dans la mémoire des régions italiennes, dont il a souvent transcrit ou réécrit le patois pour constituer ce recueil de contes. Travail de chercheur, d'ethnographe et surtout d'écrivain qu'il aborda avec curiosité pour se trouver jeté dans le monde fantastique du merveilleux populaire italien. Entre ironie et poésie, ces textes courts sont souvent de petites fables philosophiques qui s'adressent plus aux adultes qu'aux enfants.
La Fontaine attachait autant d'importance à ses Contes et Nouvelles qu'à ses Fables. Inspirés du Décaméron, de l'Arioste, de Machiavel autant que de Rabelais et du fonds gaulois, ils sont tous un hommage à l'amour physique, au jeune désir, au fruit défendu, le seul qui compte, au plaisir dérobé mais toujours pardonné. Bacheliers et nonnains, galantes commères et maris trompés y composent une humanité de gaillardise et de ruse évoquée avec un cynisme souriant qui fait des Contes un des chefs-d'oeuvre de la littérature licencieuse.
« J'ai reçu le quatrième volume de Tolstoï. Comme Antée, là où il est en contact avec la terre, il retrouve ses forces et c'est alors merveilleux. » Tourguénev.
Tolstoï a été successivement dominé dans sa vie passionnée par plusieurs préoccupations maîtresses : l'oeuvre religieuse, l'oeuvre scolaire, l'oeuvre sociale, l'oeuvre paysanne. Aussi, avec la ferveur qu'il a jusqu'à la fin apportée à toutes ses entreprises, se consacra-t-il, de 1859 à 1872, aux questions scolaires, à l'oeuvre de l'éducation du peuple. Le résultat littéraire en sera la composition de l'Abécédaire, incluant ces Quatre Livres de lecture dont nous publions la première traduction française qui respecte l'ordre souhaité par l'auteur.
De retour dans son village natal Isnaïa Poliana, après avoir démissionné de l'armée en 1849, Tostoï ouvrit en effet une école pour les enfants de la campagne afin de s'adonner tout entier à sa passion d'enseigner. Un maître dans la force de l'âge, habile à tous les travaux des champs, qui avait vécu au Caucase, qui rentrait de la guerre : voilà qui devait immédiatement séduire la jeunesse. Tolstoï et ses élèves devinrent très vite inséparables.
Un livre tiré de cette expérience paraîtra trois ans plus tard ; ce sera cet Abécédaire, énorme manuel de 756 pages, actuellement introuvable, qui comprenait une méthode pour apprendre à lire et à compter, des textes historiques en vieux russe, des épisodes des Saintes Écritures, et d'où seront plus tard extraits les Quatre Livres de lecture.
« Je sais son immense supériorité sur tous les autres livres, je n'attends pas le succès. Cela me laisse indifférent que l'Abécédaire ne marche pas. Je suis si certain d'avoir élevé un monument en l'écrivant ! », écrira-t-il à son ami, le critique Strakhov en 1872. Mais si le succès s'est bien fait attendre presque dix ans, il ne s'est pas démenti depuis lors. À la mort de l'auteur, on touchait à la trentième édition.
« Tolstoï, dans ces Quatre livres de lecture, a voulu simplement composer un recueil de récits gradués, accessibles à tous. Il a cherché à y éviter toutes les inexactitudes, toutes les exagérations. Des entrées en matière rapides :
Une courte phrase y suffit. Point de moralité à la fin d'une fable. Surtout point de conclusion éloquente : une forme brève. Tolstoï a toujours aimé les histoires, il en a conté jusqu'à la fin. Il a été, de notre temps, même avant d'entrer dans la légende à son tour, la personnification des forces intellectuelles et morales de son peuple et le défricheur spirituel d'une âme tourmentée » Charles Salomon, son ami et traducteur, dans l'introduction de l'édition française originale, 1934.
Écrit en langue napolitaine autour de 1625, et édité, posthume, en 1634-1636, Lo cunto de li cunti de Giambattista Basile constitue une des productions majeures de la littérature européenne du XVIIe siècle. Il peut être considéré comme un recueil de contes pour enfants, ainsi que le soustitre l'indique, inspirateur d'une grande part de la tradition du conte européen. D'autres critiques, comme Italo Calvino, hésitent à inclure Basile dans ce patrimoine, préférant souligner la richesse de l'invention métaphorique et le délire de l'imagination voyageant du « sublime au sordide ».
Édition incluant 64 bois qui ornaient l'édition napolitaine originale (1634).
Ces contes sont aussi anciens que le Viêtnam.
Ils ont volé de bouche en bouche depuis les temps immémoriaux, s'enrichissant et se modifiant au fil du temps, chaque conteur - maître d'école, chanteur ambulant, grand-mère, grande soeur - répétant ce qu'il avait entendu enfant et l'ornant de nouveaux détails au gré de son imagination et de son talent. Un trésor de récits merveilleux et de légendes extraordinaires qui s'ouvre par une version surprenante de notre Cendrillon, et ainsi de conte en conte en compagnie de rois, de princesses, de talismans ou de génies pour une magique traversée des apparences, jusqu'au dernier qui s'apparente à un grand mythe fondateur.
. Il les avaient reconnues tout de suite. Elles étaient alignées, semble-t-il, dans un ordre précis. Elles représentaient les sept astres de notre système solaire, le Soleil, Vénus, Mercure, Mars, Jupiter, Saturne et la Lune. Chaque décor était extraordinaire, notamment ceux qui représentaient le Soleil et la Lune. Autant l'un était flamboyant et rayonnant, lançant des faisceaux de couleur d'or et de lumière, autant l'autre était sombre et profond, immergé dans des abîmes marins scientillants, décors somptueux et hallucinants.