Voyage au Molise recueille onze articles publiés par Francesco Jovine entre 1942 et 1950 dans le quotidien Il Giornale d'Italia (publiés posthumes en 2001), traduits ici en français pour la première fois. Issu d'un milieu paysan, formé au marxisme, Jovine porte un regard engagé et amoureux sur la terre de ses origines. La traversée de cette mémoire d'une terre ancienne et taciturne permet de comprendre le Molise d'aujourd'hui, et de découvrir l'auteur qui en a parlé de la manière la plus subtile et juste.
La région du Molise était et demeure méconnue, même en Italie. Terre ancienne et pauvre, dont les enjeux historiques, économiques et sociaux sont paradigmatiques de ce qu'on a appelé la « question méridionale ». Jovine lui rend hommage avec un regard acéré et passionné. Il s'agit moins d'un guide de voyage que d'une réflexion sur la terre natale (sur laquelle l'écrivain revient alors qu'il vivait à Rome depuis de nombreuses années), sur ses coutumes, ses habitants, leurs mentalités et comportements. Sous-développement, brigandage, luttes acharnées des paysans pour la terre, déracinement et malaise du petit bourgeois venu à la ville, rapport de l'intellectuel avec le milieu dont il est issu, voilà les interrogations qui ne cessent d'inspirer Jovine.
L'auteur donne une image complexe de la réalité méconnue du Molise, marquée par le fascisme et sa chute, par les changements économiques et culturels de l'après-guerre, par les troubles qui traversent le sud de l'Italie, dont le pays tout entier porte encore aujourd'hui l'héritage.
Venise, peut-être recueille les textes qu'Andrea Zanzotto a consacrés à Venise et à la Vénétie. Mais il s'agit d'une autre Venise, peut-être : à la fois vue de très près et comme vue du ciel, prise dans un cadre plus vaste - une ville reliée, inscrite dans le temps intime et historique, dans la matière et dans l'espace. Venise n'est pas un joyau détaché, elle doit s'approcher de l'extérieur, ne se comprend qu'à travers sa lagune et son ancrage dans sa région, la Vénétie, site de terribles batailles de la première guerre mondiale et, plus tard, haut lieu de la lutte partisane. Venise, peut-être témoigne d'une certaine idée de l'écologie, du paysage et de l'habitation, où l'homme et la nature interagissent et se confrontent, où ville et nature sont le lieu d'une passion et d'un combat intimes et politiques.
La ville entière a tenu ses temps resserrés contre elle, comme les pièces d'une marqueterie : fruit et ver, bave lumineuse et scories, puanteur chaque fois changée en parfum : comme un point d'absurdité dans le présent.