Le Voyage en Italie de Goethe est important à plus d'un titre. On peut légitimement considérer qu'il a marqué une rupture dans sa vie. En prenant la route du Sud en 1786, Goethe a voulu échapper à un univers qu'il sentait trop pesant : « Je me suis enfui de Carlsbad à trois heures du matin : autrement on ne m'aurait pas laissé partir. » Il se dérobe incognito, à la hâte, affronte les périls et se métamorphose en Wanderer : le voyageur, le vagabond, l'errant.
Commence alors son odyssée, qui durera jusqu'en 1788 et qu'il retrace dans ce récit où se mêlent l'art et la vie. Goethe traverse Vérone, Vicence, Venise, Padoue, Ferrare, Bologne, Florence, Pérouse, Rome, Naples, Palerme. Il admire l'art classique, contemple les paysages, se lie avec la population : son expérience est intense.
Ce Voyage en Italie, publié seulement en 1816 pour la première fois, depuis longtemps indisponible en France, compte parmi les plus célèbres relations de voyage allemandes et s'inscrit dans le projet autobiographique de l'auteur de Faust. La traduction de Jacques Porchat a été révisée et complétée par Jean Lacoste qui signe également une remarquable préface où est exposé l'art du voyage chez Goethe, pour qui le déplacement ne saurait aller sans une renaissance et la redécouverte de soi.
Paris, Berlin : deux capitales dont on sait l'intense créativité et la vie débridée dans les années 1900. Mais il est une autre ville qui en ces mêmes années joue un rôle majeur dans l'éclosion de la modernité : Strasbourg.
Dotée par le Kaiser d'institutions culturelles de premier ordre mais animée encore d'un fort tropisme pour la France, la capitale du Reichsland est en première ligne pour secouer les habitudes du vieux monde et inaugurer un art nouveau. Peintres, musiciens, écrivains, journalistes s'y mêlent. Cabarets, salons, revues y fleurissent.
À Strasbourg s'épanouit une véritable bohème.
Créée par Flake, Schichele et Stadler, la revue Der Stürmer est le porte-drapeau de cette extraordinaire « renaissance » : « Le cercle du Stürmer, se souvient Flake, s'est constitué à toute vitesse, de façon tout à fait explosive. [...] Tous les lieux où nous nous retrouvions prirent alors des allures de Quartier latin. ».
Flake est au soir de sa vie quand il écrit la chronique de ces années-là, avec une terrible nostalgie pour l'effervescence et la gaité de cette sorte de mai 68. « Je portais en moi, écrit-il, une révolte innée contre la subordination, les mots d'ordre collectifs, l'esprit associatif, la marche au pas de l'oie, les conventions, et je compris très jeune, dès mes dix ans, ce qui était en train de se former chez les fonctionnaires et les soldats, cet homme des masses des décennies à venir. » Une chronique unique par l'élégance et le brio de son style.
À la dernière phrase de son récit, Flake évoque le suicide de son ami Poppenberg en 1915 : « Lorsque la guerre éclata, il sut que l'ère du culte de la beauté touchait à sa fin, que celle de la barbarie commençait. ».