«Il reste à écrire une biographie cosmique de Leopardi, poète incomparable de la révolution des sphères célestes, né à l'orient et mort à l'occident de l'Italie, face au golfe de Naples où s'inspirant sans doute sans le dire de L'Infinito, Lamartine percevait l'infini visible qui fait sentir aux yeux les bords du temps et entrevoir l'existence sans bords. Il faudrait y ajouter un essai définissant l'entière révolution de sa poésie, de la jouissance imaginaire d'un infini métaphorique (Et m'abîmer m'est doux en cette mer) à la contemplation extatique de l'univers infini (Si la vie dépourvue de passions et de nobles erreurs est une nuit d'hiver sans étoiles, c'est me venger assez du sort mortel que de m'étendre, dédaigneux, dans l'herbe, et de sourire en contemplant la terre, la mer, le ciel).» Jean-Michel Gardair.
Ce journal, Leopardi ne le quittait jamais, y consignant toutes ses réflexions. La diversité des sujets abordés est saisissante, que ce soit en matière de littérature, de politique, d'histoire, de religion ou encore de philologie. Mais Leopardi nous entretient aussi des effets du tabac, des moeurs des Patagons, des vertus de l'odorat ou encore de Copernic. De Platon à Rousseau, en passant par Dante, la liste des auteurs que cet esprit fertile et tourmenté analyse est vertigineuse. Cet immense réservoir d'idées fondamentales, auquel Nietzsche a rendu hommage, nous happe dans les méandres d'une pensée aussi labyrinthique que prodigieuse par sa force d'intuition et la modernité de son projet et de son enjeu. Il donne l'occasion inouïe de pénétrer dans le laboratoire de l'oeuvre qui advient.
Vers 1816, au fin fond d'une province pontificale d'Italie du Nord, un jeune homme mélancolique, pétri de lectures érudites, s'apprête sans espoir à l'« oeuvre de sa vie ». Ce jeune homme, c'est Giacomo Leopardi. Il écrit des poèmes renouant avec la plus haute tradition italienne, celle qui remonte à Pétrarque et au Tasse. En 1831 paraît la première édition des Canti.
De la véhémence des premières canzones (À Angelo Mai, Brutus) aux méditations nocturnes des idylles (L'Infini, Le Soir du jour de fête, À la lune), en passant par les grands poèmes philosophiques (Le Genêt), le poète chante la solitude et l'exclusion, le temps répétitif et destructeur, le destin et la perte.
Tour à tour élégiaque et révolté, nihiliste et exalté, Leopardi inaugure une forme nouvelle de lyrisme : du moi au nous, sa voix déplore au nom de tous la souffrance d'être. Ce recueil d'une noire beauté inspira des esprits aussi divers que Schopenhauer, Musset, Nietzsche et Giuseppe Ungaretti.
"Les lecteurs rompus au commerce des hommes reconnaîtront la justesse de mes propos ; tous les autres les trouveront excessifs, jusqu'au jour où l'expérience, s'ils ont jamais l'occasion de faire réellement l'expérience de la société humaine, leur ouvrira les yeux à leur tour. J'affirme que le monde n'est que l'association des coquins contre les gens de bien, des plus vils contre les plus nobles." Publiées de façon posthume en 1845, ces Pensées sur le caractère des hommes et leur conduite dans la société présentent, sous forme d'aphorismes, d'anecdotes significatives ou de sentences lapidaires, l'essentiel des conclusions léopardiennes sur la morale.
Giacomo Leopardi (1798-1837) est le grand poète du malheur humain. Dans ses lettres, il analyse les raisons de ce malheur, mais il apprend aussi à l'affronter et à le supporter. Pessimiste, il est tout sauf fataliste. L'art de ne pas souffrir tient au paradoxe suivant : si le bonheur n'existe pas, s'il est une illusion, cette illusion est néanmoins source de bonheur. À ses correspondants, il enseigne à faire renaître les fleurs de l'espoir sur les cendres du monde. La présente édition propose la traduction inédite d'un choix de lettres de la correspondance du poète, qui révèlent l'aspect plus personnel, plus vivant, de sa sagesse pratique.
Écrivain, poète, philosophe, Leopardi (1798-1837) est avec Dante le plus grand écrivain italien. Avec l'Allemand Novalis (1772-1801), l'Anglais Keats (1795- 1821) et le Français Nerval (1808-1855), il est un des grands météores du romantisme européen.
Nietzsche voyait en lui «?le plus grand styliste de son siècle?». Pour Elio Germano, interprète du rôle de l'écrivain dans l'admirable film qui lui a été consacré en 2014 par Mario Martone, Leopardi : Il giovane favoloso (« le jeune homme fabuleux », expression empruntée à un poème d'Anna Maria Ortese), « Leopardi est punk, il est grunge. Schopenhauer et Nietzsche se sont formés avec Zibaldone.
L'existentialisme nait de lui aussi. Pour moi c'est un Pasolini de son temps. Détaché et dérangeant. » Mort à 39 ans, Leopardi a laissé une masse de textes considérable et désordonnée. Les fragments ici recueillis dans l'ordre chronologique de leur date de publication renvoient à l'ensemble de ce corpus comprenant les célèbres Canti, le Zibaldone (près de 5000 pages dans l'édition italienne), les essais et l'abondante correspondance du reclus de Recanati.
« Sans la musique, écrivait Nietzsche, la vie serait une erreur, une besogne éreintante, un exil. » Il en est de même pour Leopardi qui écrit en 1820 à un ami le chef d'orchestre Pietro Brighenti : « La musique, est certainement l'une de mes grandes passions, et elle doit l'être pour toutes les âmes capables d'enthousiasme. » Des Canti au Zibaldone, l'univers sonore est partout prédominant dans son oeuvre et fait la marque inoubliable de sa sensibilité.
Dans sa correspondance aux mille nuances, Giacomo Leopardi se montre généreux et ardent, tendre avec ses frères et ses neveux, indomptable face à l'adversité. Depuis sa solitude peuplée d'amis, il écrit sur le réconfort que les hommes se doivent les uns les autres. Ses lettres nous révèlent un poète enthousiaste, avide de gloire et de liberté. Loin d'être un « sombre amant de la Mort?», c'est un homme au désir de vie inextinguible.