« Titano s'y connaissait en femmes et il disait partout que j'avais une peau sobre et veloutée. En fait c'était vrai. L'hibernation hospitalière avait maintenu en vie certaines veinules légèrement diaphanes, à peine esquissées. » Il y a dans tout ce qu'écrit Alda Merini une spontanéité qui saisit le lecteur par une sorte d'évidence et d'étrangeté. La Folle de la porte à côté, qui est-ce ? « Pour moi, dit Alda Merini, c'est ma voisine. Pour elle, la folle c'est moi, comme pour tous les habitants du Naviglio [son quartier à Milan] et de mon immeuble. » Alda Merini a vécu toute sa vie avec la folie, « une sereine vie commune avec la folie », dit-elle.
« La folie est l'une des choses les plus sacrées qui existent sur terre. C'est un parcours de douleur purificateur, une souffrance comme quintessence de la logique. » Toute sa vie, Alda Merini a vécu dans la marginalité et l'indigence. Assumant une sexualité débridée, mère de quatre filles dont elle ne s'est pas occupée, vivant dans la rue et les cafés autant que chez elle, elle a tiré de cette vie une oeuvre unique, inouïe qui lui a valu sur le tard l'admiration et l'affection de tous les Italiens.
Clocharde géniale, innocente provocatrice, elle livre dans cette Folle de la porte à côté une autobiographie fantasmée et lucide, follement romanesque et, en dépit de tout, profondément joyeuse.
L'écriture d'aphorismes semble étroitement liée à l'expérience asilaire de la poétesse Alda Merini, internée pendant plus de vingt ans. Quand tout a sombré dans la confusion, il faut tout réapprendre. A parler, à penser, à écrire, cerner, définir. Ne pas croire que tout a été dit sur tout ; trouver une pensée qui esquisse un chemin vers d'autres pensées.
Considérée jusqu'à sa mort (2009) comme la plus grande poétesse italienne, Alda Merini est l'auteure d'une oeuvre considérable encore inconnue en France.
Un recueil traduit et préfacé par l'écrivain Patrick Reumaux, illustré par Gaëlle Chotard, artiste représentée par la galerie Claudine Papillon à Paris.
Délit de vie (Reato di vita), publié en 1994, se compose de trois parties : la première est la transcription d'un certain nombre d'entretiens qui ont eu lieu entre Alda Merini et Luisella Veroli dans une chambre de l'hôtel Certosa de Milan. Cette partie, très autobiographique, est suivie de textes poétiques inédits et rédigés en même temps que les entretiens et, enfin, dans la troisième partie du volume, sont proposées les interventions que Merini a faites pour l'association « Melusine » dans le cadre d'un séminaire intitulé « Genèse de la parole poétique ».
"Il n'existe pas de folie dépourvue de signification et les gestes que les gens ordinaires et mesurés considèrent comme d'un fou impliquent le mystère d'une souffrance que les hommes n'ont pas écoutée, n'ont pas recueillie".
Cette souffrance, L'autre vérité veut la recueillir et l'écouter ; dans un récit limpide et implacable, la poétesse Alda Merini, disparue le 1er novembre 2009, nous dit ce qu'était l'internement psychiatrique dans les années 60 et 70, qu'elle a elle-même vécu dans le plus profond abandon. La poésie de ces pages vaut comme une arme au service d'un " esprit d'enfance (...) qui ne pourra jamais être perverti par personne ", une arme pour ne pas sombrer, pour réinventer l'espoir d'être aimé.
Voici l'un des plus grands textes littéraires mettant en scène la folie.