Ciò che altri linguaggi devono costruire - la simultaneità effettiva di tempi e luoghi diversi, l'intreccio reale (e continuamente mutevole) di fisicità e astrazione - il teatro lo fornisce, se cosi si può dire, gratis...
"Utopia e disincanto" raccoglie un'ampia scelta della produzione saggistica di Claudio Magris. Il lettore incontrerà scritti che analizzano la nostra attuale condizione umana e storica...
Des sources en Forêt-Noire à son delta en mer Noire, Claudio Magris descend le fleuve. En touriste : il visite les paysages et les maisons, s'arrête, à Vienne, devant un simple escalier de bois. En érudit : il découvre les sites majeurs, les rites de la Mitteleuropa ; il croise, semble-t-il, Kafka, Canetti, Lukacs, Joseph Roth..., de passage, eux aussi. En homme : il s'émeut, s'émerveille, s'interroge. Sous la plume d'un grand écrivain, le voyage au gré du fleuve devient aussi une grande fresque des siècles passés.
À Trieste, dans le seul camp de concentration nazi d'Italie, les Juifs et antifascistes qui attendaient de passer au four crématoire local, d'être déportés ou massacrés à coups de masse, gravaient leurs noms et ceux de leurs dénonciateurs sur les murs des cellules. Mais les touristes qui visitent aujourd'hui les lieux l'ignorent, car ces murs furent entre temps volontairement blanchis à la chaux. Un personnage étrange - il a réellement existé -, collectionneur d'armes et de matériels de guerre de toutes époques, aurait recopié ces inscriptions compromettantes sur des carnets opportunément disparus, juste avant de mourir au cours d'un incendie mal élucidé. Ce sont là choses anciennes, gênantes, et à oublier puisque la Justice a classé l'affaire. Claudio Magris, lui, rouvre le dossier. Luisa Brooks, fille d'un soldat afro-américain et d'une Juive marquée par la Shoah, est chargée de recenser les armes du collectionneur pour en faire un Musée dédié à la Paix. Peu à peu, elle dénoue les fils de l'Histoire, à travers un entrelacement de destinées mêlant sur plusieurs siècles Trieste, l'Europe centrale, l'Afrique, l'Amérique latine et les Caraïbes dans l'inexorable tourbillon de guerres, de persécutions, de haines raciales couvertes par la raison d'État et la complicité des puissants.
À Trieste et dans ses environs, mais aussi dans le Piémont et au bord du Danube, un écrivain au sommet de son art déroule ici cinq histoires sur le thème de la vieillesse. Cet âge de la vie pourrait-il receler une forme de bonheur et de liberté secrète? C'est un temps où l'horizon se resserre, mais où l'attention aux épiphanies des choses immédiates nous ouvre à un rapport différent au mouvement du monde. La vieillesse, aux yeux de Claudio Magris, est aussi un temps de retrait et de furtive dissidence face à la part de comédie sociale qui accompagne nombre d'entreprises humaines. Entrelaçant le dit et le non-dit, l'ambiguïté et l'ironie, les nouvelles de Temps courbe à Krems varient les éclairages sur la «guérilla de la vieillesse», une bataille infime mais de longue portée, toujours menée à bas bruit. L'autre grand thème du livre est celui du temps et de ses énigmes, de son mouvement qui conduit aussi bien vers la source que vers l'embouchure. Le recueil prend l'aspect d'un petit kaléidoscope déroulant cinq histoires d'une admirable richesse dans la perception des destins et la connaissance de l'humain.
Comment un roman peut-il changer le monde? Quels sont aujourd'hui les rapports entre création et société, entre politique et fiction? Deux maîtres de la littérature mondiale tentent de répondre à ces questions et à quelques autres, révélant en même temps les secrets de leur «cuisine littéraire».Selon Vargas Llosa, un livre atteint son objectif quand il est capable de nous extraire de notre quotidien et de nous entraîner dans un monde où la fiction apparaît encore plus tangible que la réalité elle-même. De son côté, Claudio Magris, écrivain du voyage et des frontières, nous montre à quel point la littérature est un espace ouvert où la capacité créatrice de l'écrivain à inventer des fictions rejoint paradoxalement le mouvement de l'écriture vers la vérité.Conduites avec grâce et intelligence par le directeur de l'Institut italien de Lima, Renato Poma, ces quatre conversations entre Claudio Magris et Mario Vargas Llosa mettent en lumière les liens étroits qui existent entre le Nobel péruvien et l'un des plus prestigieux écrivains italiens contemporains.
Trois histoires qui se déroulent dans « le monde du bout du monde » - aurait dit Luis Sepulveda - entre Patagonie et Araucanie, dans des paysages d'une envoûtante et inquiétante beauté mais aussi dévastés par des barbaries que ces trois personnages hors norme défient, chacun à sa façon, sans schémas idéologiques, en défendant ces terres qui sont devenues leur patrie et les peuples vaincus et persécutés qui les habitent.
Cette fois Claudio Magris nous promène du café San Marco à l'église du Sacré-Coeur, à Trieste, en passant par quelques endroits frontaliers, marginaux, secrets d'une Europe à la mémoire vive et au passé brûlant. Les témoins du temps sont des oubliés de l'Histoire, dont la pauvre vie, contradictoire et fascinante, fait et juge l'Histoire.Neuf noms de lieux constituent les titres des chapitres de ce livre qui n'est ni un journal de voyage, ni un fragment d'autobiographie, ni un essai historique, ni un roman à clefs, mais peut-être bien le récit d'un voyage initiatique, nimbé de la présence d'une Aimée disparue, à travers des lieux, des cultures et des mythes chers à l'auteur et riches d'humanité.Microcosmes échappe à toute classification:l'érudition se donne comme description, l'analyse assume parfois le rôle du récit, les personnages réels acquièrent une stature épique de héros, et les mythes cadastrent les incertitudes du réel. Magris, homme des confins, efface ici les frontières des genres, des langues, du temps, dans cette quête de soi qu'est tout voyage, «guérilla perdue d'avance contre l'oubli».
Claudio Magris a rassemblé dans Instantanés un bouquet de textes brefs qui lui ont été inspirés par une chose vue, un événement de la vie quotidienne ou un fait d'actualité relevé dans la presse. La plupart de ces micro-récits se déroulent en Italie, plus particulièrement à Trieste et dans ses environs, mais il en est qui nous transportent sous d'autres latitudes, de la Scandinavie à l'Inde, de Moscou à New York et au Grand Nord canadien. Certains « instantanés » ont trait aux relations intimes entre les êtres, d'autres concernent un épisode de l'histoire du XXe siècle, d'autres encore touchent à des questions de société et aux modes de vie de nos contemporains.
Chez Claudio Magris, la vive description d'une scène saisie sur le motif offre toujours une résonance éthique et philosophique. Ce sont d'une certaine manière des « leçons de vie » que prodigue ce livre, mais sans que l'auteur se mette dans la situation d'exercer un pesant magistère. Au contraire, un mélange unique s'opère dans ces brèves vignettes entre le sérieux du propos et les nuances de l'humour. La gravité et la légèreté font ici si bon ménage que l'on est conquis par ce petit livre captivant et savoureux.
Dans un hôpital de Trieste, jour après jour, un vieil homme se confie à son psychiatre, et tente de recoudre les morceaux de sa vie. Ou plutôt de ses vies. Officiellement, il est Salvatore Cippico, né en 1910, ancien militant communiste, parti bâtir le socialisme en Yougoslavie. Intimement, il se prend pour le clone de Jorgen Jorgensen, aventurier danois du XIXe siècle, mythiquement, il réincarne Jason lancé dans une conquête ambiguë... Dans ce mémorial picaresque, la voix qui parle est celle de l'éternel rebelle, du mutin, de l'hérétique. Pour eux, ni terre promise ni postérité; les puissants imposent le silence, et la mer oublieuse ensevelit les témoins. L'Histoire tire à l'aveugle sur ceux que les dieux dédaignent. A travers un kaléidoscope effréné de lieux, de situations, de symboles - de Waterloo à Dachau, de la guerre d'Espagne au génocide des Tasmaniens, de Trieste à Reykjavik, d'un bagne à l'autre, de Toison d'or en drapeau rouge -, Claudio Magris nous plonge dans un fascinant roman total, dans une réflexion lyrique et généreuse sur notre temps, sur la faillite des idéologies, la dérive des individus.
Entre pièce de théâtre et livret d'opéra, L'exposition marque une nouvelle étape dans l'oeuvre de Claudio Magris. Au coeur de cette fantaisie baroque et débridée se dresse la figure du peintre triestin Vito Timmel, mort en 1949 à l'asile psychiatrique. Esprit vagabond, anarchiste et bohème, sa vie est ressuscitée par bribes et lambeaux à travers ses propres paroles et la voix de ses infirmiers, de ses amis artistes et compagnons de beuveries, des femmes qu'il a aimées ou n'a pas su aimer. Tous ces personnages, sanguins ou larvaires, laissent fuser les puissantes couleurs d'une langue qui oscille du registre trivial à la rhétorique la plus ornée. Gravité et dérision s'entrelacent, tout comme la joie et la douleur, dans un climat qui tangue entre vie et mort, déluge et carnaval. L'exposition est un livre surprenant, emporté, crépitant, tragi-comique, une sorte d'Arche de Noé de la Mitteleuropa voguant sur une mer démontée, ou peut-être une Nef des fous, un Radeau de la Méduse, tout dépend de l'éclairage qu'y projette l'âme du lecteur, ou de l'effet de vérité que fomente l'artifice sur la scène du théâtre...